jeudi 16 février 2017

Circuit en Roumanie. Maramures.



7 septembre 2016.

 Le matin, de bonne heure, nous voilà partis dans un court voyage-pèlerinage vers la Roumanie. 

Pour commencer, nous traversons  les autoroutes de France et d'Allemagne (très bouchonnées, les dernières, mari déçu par l'évolution du voisin!) plus un bout de Suisse, jusqu’en Autriche, où nous nous sommes arrêtés pour dormir dans une pas vraiment petite auberge sur le bord du Danube, à Klein-Pöchlarn. Une ville charmante au demeurant, comme j’ai pu le constater, malgré le brouillard épais qui l’enveloppait, pendant ma courte promenade  avant le petit déjeuner du lendemain. 

Et parce que je crois que je suis la première citoyenne d’origine roumaine à traverser cette ville, vues les cygnes qui batifolaient tranquillement sur le fleuve, je considère qu’au moins une photo de l’église locale mérite d’être exposée sur ce blog.



Enfin, un petit déjeuner substantiel plus tard, nous avons repris notre route à travers l’Autriche et la Hongrie pour arriver le plus tôt possible en Roumanie, plus précisément en Maramures, à Vadu Izei.

Après une Hongrie plate et sans intérêt (attention, je parle aux abords de l’autoroute !) où seulement les immenses champs, avec des longs rangés de cucurbitacées non-identifiés, attiraient notre attention, une belle église (en fait la Cathédrale romano-catholique que j’ai pu vite photographier au passage) nous montre que nous sommes arrivé enfin à Satu Mare ou Szatmárnémeti, comme indiquent joyeusement les panneaux hongroises (heureusement que je connais le schmilblick, hein !).
 

Depuis Satu Mare à Sighetu Marmatiei notre route, la DN19, traverse Le Pays Oas, une dépression intramontagnarde, située entre les montages (ben oui!) Oas et Gutai,  considérée comme étant une des régions les plus belles de Roumanie.

Nous dépassons en vitesse quelques villages, en regardant ébahis les nouvelles maisons, une plus somptueuse et plus moche que l’autre, surtout celles de Certeze (c’est un concours sur le thème qui a la maison la plus grande et la plus kitsch, ou quoi ?) et les nouvelles églises, plus ou moins dans le même style, façon photo-copieuse.

Et si vous faites une recherche google avec le mot CERTEZE (même pas besoin d’ajouter Roumanie, hein) vous allez comprendre ma stupéfaction en voyant cette débauche de laideur : à croire que le communisme, en falsifiant et manipulant toutes les critères de valeurs, a eu aussi un impact sur les critères esthétiques, ou, plus simplement, le bon gout et le bon sens des habitants de ces contrés!

Heureusement nous dépassons ces villages et la route commence à serpenter dans un splendide paysage des basses montagnes, couvertes par des accueillantes forêts de feuillus. Pas ou peu de trafic, pas des maisons, rien ne trouble la vue, sinon une petite auberge aperçu au détour d’une courbe et que je vais apprendre plus tard qu’elle s’appelle «Sambra Oilor», et que c’est sur le plateau voisin que se déroule chaque année une fameuse fête traditionnelle de la transhumance.

Je n’ai pas beaucoup des photos de cette route,  1. à cause de la vitesse avec laquelle nous circulions, quand je voyais l’objectif à photographier c’était déjà trop tard pour le faire et 2. à un moment donné il faisait déjà trop noir : ben oui, nous avions plus de mille km de route dans nos jambes, pardons, dans nos roues…

Quand même, deux photos, une pour montrer qu’on traversait le pays des cigognes et l’autre avec une de ces nouvelles, et de mon point de vue horribles, églises, qui malheureusement poussent maintenant comme des champignons en Roumanie et que j’ai pu voir dès que j’ai passé la frontière.




Enfin, après avoir dépassé le col Huta, à quelques 640 m d'altitude, la route continuait belle et sinueuse jusqu’à Piatra, où elle oblique à droite jusqu’à Sighetu-Marmatiei, en suivant la frontière (actuelle) ukrainienne et la vallée de la rivière Tisa.

De là à Vadu Izei, pour seulement 7km, il nous a fallu plus d’une heure pour trouver la pension Doina où nous avions la réservation. Nous étions même prêts à faire demi – tour, convaincus que notre pensionne n’existe pas, mais, heureusement, malgré l’heure tardive, nous avons rencontré un citoyen qui nous a dit de continuer tout droit au milieu des champs, sur un chemin improbable que notre GPS refusait d‘indiquer.

 Finalement, nous avons trouvé notre gîte et, heureux de l’avoir trouvé, nous n’avons pas protesté d’avoir à porter les valises à travers un long chemin pierreux et sans lumière, ou de ne pas pouvoir diner, car "la maison ne faisait pas restaurant, sauf sur commande spéciale".

Nous nous sommes donc contentés de quelques sandwiches et des pommes que j’ai eu l’intelligence de mettre dans les bagages, après quoi nous nous sommes couché et nous avons dormis comme des loirs jusqu’au lendemain.

Mais, le lendemain matin, nous étions récompensés.

Déjà, le paysage du jardin vu par la fenêtre de notre chambre: un petit verger où deux meules de foins trônaient au milieu d’un espace d’un vert éclatant. Puis le reste du jardin, devant l’auberge. Et last but not the least, la salle à manger, où nous sommes allés prendre le petit déjeuner.

 Décorée de façon plus ou moins traditionnelle, avec des meubles en bois massif et de très belles céramiques de Vama et de la vallée de Iza et, au centre des tables,   des plateaux en bois sur lesquelles trônaient le lard salé et les oignons rouges (slana si ceapa!), comme un rappelle à l’histoire locale. Car, depuis toujours, les hommes qui habitent dans ces lieux, où la terre n’offre pas assez pour vivre, partent travailler ailleurs apportant dans leurs bagages du lard salé et des oignons, justement, car elles se conservent bien et ainsi ils peuvent économiser autant que possible leur argent. 

C’est en fait la même histoire que celle des Auvergnats, ou des Cantaloups, ou encore des Aveyronnais, pardi… 

 Et, comme eux, les gens d’ici, après des mois de labeurs loin des leurs familles, auparavant sur les chantiers communistes, de nos jours plutôt à l’étranger, retournent toujours dans leurs villages, où ils se construisent ces grandes maisons qu’on peut voir partout, autant en Oas, qu’en Maramures, ou en Bucovine. A croire que les gens sont partout pareils. Sauf que, de mon point de vue, et pas seulement le mien, les habitants de ces régions roumaines sont particulièrement chaleureux et attachants !


 Et là, avant de continuer mon histoire, une petite parenthèse me semble nécessaire. A la fin de l’année 1984 j’ai eu la chance de fêter le Réveillon en Maramures, plus précisément dans le village Harnicesti dans la vallée de Mara !

C’était un hiver très rude, avec -30° et beaucoup de neige et de verglas et les quelques journées passées ici m'ont convainque que, non seulement cette région est d’une beauté exceptionnelle, mais les habitants sont aussi extraordinaires. Tel que, si je pense à la Roumanie et aux Roumains, les VRAIS ROUMAINS, je pense aux gens de Maramures et aussi, bien sûr, de Bucovine (le pays de mes parents). D’ailleurs, je ne suis pas la seule à penser ainsi.

Et c’est presque une évidence, car sont des régions plus ou moins enclavées, qui ont traversé le temps dans un isolement protecteur qui leur a valu de conserver leur propre civilisation. Protégés comme des forteresses par les montagnes Gutâiului, Tiblesului, Rodnei et Maramures et échappés à la collectivisation forcée et à la tragédie de l’industrialisation communiste, le pays de Oas et le Maramures historiques peuvent fournir aujourd'hui un aperçu réel du passé, de la vie paysanne roumaine  à travers le temps.

Pourquoi je dis ça ? Mais allez-y les voir ces ROUMAINS, simples et dignes et travailleurs et super accueillants et chaleureux.

Habillés dans leurs vêtements traditionnels vivement colorés, avec leur musique envoutante les jours de fête, les hommes qui fauchent encore le foin à la main, les femmes qui ratissent avec des râteaux en bois et  même le foin mis à sécher sur des barres de bois horizontales, ou monté en meules autour d'un mât comme ne se fait plus en France depuis belle lurette…

En 1984 nous sommes venus dans la région sans aucune réservation, sans annoncer personne, sauf une vague promesse faite par le maire, à l'un d’entre nous qui est passé par là pendant l’été, de nous louer la salle de fête pour le Réveillon.

 Et dans les conditions de l'époque nous avons trouvé tous des places  chez les habitants pour dormir et nous étions une cinquantaine, quand même. Et la famille qui nous a logé, moi et quatre autres personnes, ne voulaient même pas recevoir notre argent et après qu’ils l’ont finalement reçu, ils nous ont fait cadeau une bouteille de horinca (une eau-de-vie traditionnelle) « pour la route », laquelle horinca aurait couté plus cher que ce que nous leur avons donné!

 Pendant la nuit de Réveillon, nuit que nous avons passé à la salle de fête du village, le maire et les femmes du village sont venues nous chanter des chansons traditionnelles. Le lendemain, c'est à dire le matin de Saint Sylvestre (en fait Saint Basile, pour nous, les orthodoxes), par respect pour les villageois qui nous ont si bien accueillis,  on étaient tous à l’église, pour fêter ensemble la nouvelle année !

Le trois janvier, une foie les fêtes finies,  nous avons dû quitter  Harnicesti vers Sighetu Marmație (20.3 km) à pieds, car rien ne circulait, à cause du froid. Quand nous traversions les villages les gens nous arrêtaient, nous faisaient entrer presque obligatoirement dans leurs maisons pour nous donner à manger et à boire, pour nous réchauffer, car nous avions "un si long chemin à faire par ce froid »…

Et je vous rappelle que c’était l'hiver 1984-1985, quand en Roumanie c’était une grande pénurie de denrées alimentaire … ! A mon grand regret, lors de ce circuit - ci je n'ai pas pu retrouver la maison où j'avais séjourné auparavant, pour remercier encore une fois ces gens merveilleux !

 Mais revenons à notre voyage. Après le petit déjeuner, où nous avons quand même évité le plat local traditionnel, c’est-à-dire le lard salé et les oignons rouges, nous sommes partis vers Sighetu Marmatiei, où, pour commencer, j’ai cherché une banque en courant partout, tel qu’à la fin je n’ai pas eu ni l'envie, ni le besoin de visiter la ville. Surtout que le nombre incroyable de nouvelles églises apparues dernièrement dans cette ville commençait à m’agacer fortement.

Par conséquent, nous sommes partis illico - presto au… cimetière… Le célébrissime cimetière JOYEUX, hein, faut pas imaginer autre chose, quand même …

Attention, dès maintenant nous allons visiter presque exclusivement des endroits qui sont déjà entrés dans le Patrimoine Mondiale de l’UNESCO ! Rien que ça !

Commençons avec ce fameux cimetière. Ben, il nous a bouché un coin, comme dit mon mari ! Car nous avons cru naïvement qu’il y a là seulement quelques croix peintes, comme on peut voir dans tous les prospectus et autres reportages TV. Mais non, pas du tout ! Dès la rue, avec les boutiques de souvenirs (où nous avons profité d’occasion pour acheter quelques petits cadeaux, car autrement, quand je voyage, je n’ai pas le temps de faire les boutiques !) et les traditionnelles cerga, des couvre-lits en laine tissés main, pendues sur les clôtures, pour ne pas parler de la foule des touristes (surtout étrangers) et des nombreuses voitures garées à la queue leu-leu.  Pas de doutes:  nous étions donc dans un endroit hautement touristique. 

 Et l’ancienne église, bâtie en 1886 et complétement modifiée depuis 2009, un peu trop richement décorée à mon goût, toute en or et en faïences bleues et vertes, encore en travaux mais brillant déjà de mille feux au milieu d’une marée de croix, elles aussi d’un bleu électrique caractéristique (le fameux bleu de Sapanta !) nous a d’amblée fait comprendre pourquoi.



 Le dit cimetière, devenu au fil du temps un vrai musée en plein air et entré, comme je le disais,  dans le patrimoine mondiale, il est non seulement coloré et beau, mais vraiment joyeux et plein d’humour.

Son histoire a commencé en 1935, quand, à l’initiative du prêtre greco - catholique Grigore Ritiu, un peintre local, Stan Ioan Patras, a sculpté la première épitaphe.

Maintenant le dit peintre a lui-même sa propre croix dans le cimetière et à part ça il y a environ quelques autres 800 de croix sculptées dans du chêne, peintes sur toutes les côtés dans ce bleu caractéristique, avec des peintures naïves, des bas-reliefs et de petites poésies qui décrivent d’une manière plus ou moins humoristique la vie de la personne qui y est enterrée.

 Ainsi, par exemple, dans la photo si dessous, il y a l’épitaphe suivant : « Sous cette lourde croix, est couchée ma belle-mère. Si elle aurait vécu encore trois jours, c’était moi sous la croix et c’était elle qui aurait lu. Vous, qui passez par-là, essayez de pas la réveiller, car si elle revient à la maison, elle recommence à m’engueuler ». Il y a aussi l’ivrogne, le malheureux chauffeur, (« Mon Dieu, quelle injustice/De me laisser comme ça mourir/Je venais juste d'obtenir/Mon permis de conduire ») le bucheron, la tisserande, l’infirmière, etc… Toute l’histoire du village au jour le jour !
 


Après avoir passé un bon moment à étudier toutes les croix, nous quittons le village et nous allons visiter ce que constitue l’âme de Maramures, c’est-à-dire ses villages et ses campagnes intactes, où la civilisation du bois se déploie en toute sa splendeur, avec les maisons au toit en bardeaux de bois, les impressionnantes églises, certaines classées UNESCO, visibles de loin en raison de leurs audacieux clochers qui leur donnent tant d’élégance et de majesté et, enfin, les fameuses portes rustiques, traditionnels, en bois de chêne sculptés, véritable “arches de triomphe”,  qui délimitent les propriétés paysannes du monde extérieur.

À propos de ces portes en chênes et leurs riches sculptures dont les Roumains se plaisent à expliquer  la symbolique  ,  pendant ma visite précédente dans la région, nous avons habités dans  une grande maison moderne, toute neuve, avec un magnifique porte à l'entrée du jardin, semblant quand même un peu disproportionné par rapport aux dimensions de la maison. Surtout en sachant qu'elle coutait presque autant.  Un peu étonnée,  j'ai demandé à notre hôte « pourquoi avoir fait construire une porte si imposante ? » et sa réponse, qui m’a beaucoup impressionnée, a été, «parce que c’est beau et ça dure»!

Et c'est toujours vrai: les portes de Maramures, avec leurs cordes tressées, les fleurs,  les feuilles, les soleils et les croix sculptées,  sont en elles même les symboles du désir des habitants  de perpétuer coûte que coûte  la tradition qui leur a été léguée par leurs ancêtres. 

 Les églises roumaines de Maramures et, plus généralement, de Transylvanie, véritable prouesse d’architecture en bois, sont la signature même du peuple roumain, qui, contournant l'interdiction de construire en dure, a trouvé les astuces pour laisser quand même, au milieu des vieux cimetières qui les entourent, la preuve tangible de son existence millénaire sur ces terres. Car les églises qui nous ont parvenus ont été construites du XIV au XVIII siècles, sur le modèle des bâtiments antérieurs, sur des techniques ancestrales, utilisées depuis toujours pour l’habitat.  

 Par ailleurs, les cimetières eux même, par leur aspect, représentent un sort d’héritage de nos ancêtres, les daces, qui considéraient la mort à peu près comme un changement de pays.

Fleuris, pleins de verdures, avec des arbres fruitiers tout autour, plus joyeux encore que le dit cimetière joyeux  de Sapanta, les cimetières dans ces villages sont des vrais lieus de vie, rien à voir avec les cimetières auvergnats en pierre de lave, par exemple.
 
Pour preuve, une photo d'un beau cimetière auvergnat, dans le cadre splendide des Combrailles qui  ressemble à la région roumaine dont le cimetière de la deuxième photo fait partie.





Mais, je vais m’arrêter ici, il y a assez des livres, d'articles et des blogs sur internet qui décrivent la zone, l’architecture locale &co. Quelques images valent mieux, je pense, que toutes les paroles que je pourrais écrire !

Autrement, quoi dire ?

Nous avons visité les églises les plus importantes, celles qui sont inscrites dans le patrimoine UNESCO http://whc.unesco.org/fr/list/904/ (Desesti et Ieud-Deal, la plus vieille église en bois de Roumanie),  mais aussi le monastère Barsana, où nous avons eu le plaisir de parler à des ouvriers qui travaillaient à la construction d’un nouveau bâtiment, ou Rozavlea, où j’ai eu le plaisir de voir qu’ils étaient en train de restaurer les icônes… Nous avons passé et repassé jusque tard dans la soirée dans toutes les villages entre les rivières Mara et Iza, Budesti, Sarbi, Harnicesti &co, sur des routes que mon mari a trouvé bonnes, nous avons pique-niqué dans un trou de verdure, une belle prairie au-dessus de Breb avec sa nouvelle église, sortant sans vergogne au dessus des arbres à l'horizon, et, enfin, la nuit venue, nous sommes revenues à notre pension pour un diner traditionnel sous un auvent aux chandelles, car cette fois nous avons été prévoyants et nous l’avons commandé le matin ! Voilà les photos. Pas besoin d'insister sur mes sentiments concernant ces images! Plus intéressant c'est que mon français de mari, auvergnat de Combrailles, a été lui aussi enchanté de ce qu’il a vu! Au point qu’il est prêt d’y retourner pour une vacance plus longue, éventuellement même pour y vivre, lol…

L'église de Desesti:


Desesti

Ieud Deal

Une belle fresque à l'intérieur de l'église de Ieud Deal et l'intérieur de l'église de Rozavlea.


Eglises de Rozavlea, Breb, Budesti, Barsana et des paysages entre Iza et Mara, dans les villages Budesti et Sarbi, au-dessus de Breb et à côté de Barsana.





http://brebenei.blogspot.fr/2016/03/vietnam-du-nord-au-sud-en-10-jours-jour.html
Bucovine..à suivre

mercredi 15 février 2017

Circuit en Roumanie. Bucovine.


Le lendemain matin,  de bonne heure, nous quittons,  non pas sans un point de regret, notre belle pension de Vadu Izei et les champs verdoyants qui entourent le village et nous reprenons la route. Cette fois c'était la DN18, vers le col de Prislop (1416m), passage obligé pour aller en Bucovine à travers les montagnes Maramures et Rodna. (pour ceux que ça intéresse, ces montagnes font partie des Carpates Orientales et sont situées dans le Nord de la Roumanie, vers la frontière acec l’Ukraine. Leur plus haut sommet, Pietrosul Rodnei, atteint 2 303 mètres d'altitude).




Le temps était superbe et le paysage aussi magnifique que sa renommée  le promettait!

 Ah, que la montagne est belle, comme chantait Jean Ferrat. Surtout quand elle est  couverte (encore !) des de forêts de conifères de taille aussi impressionnante et que des torrents limpides déambulent vertigineux au milieu.


 Nous traversons sans nous arrêter deux ou trois villages où nous croissons peu de monde, sauf un petit troupeau de moutons que j’ai décidé de montrer, même si la photo n’est pas de bonne qualité, car faite en vitesse et à travers le pare-brise de la voiture.


Je démarre ainsi une série des photos avec le thème «l’argent de Roumanie», parce que j’en ai marre d’écouter des phrases comme « ben oui, avec l’argent de l’Europe », dès qu’on parle des changements positifs en Roumanie. Comme si les Roumains restent les mains croisées en attendant que la banane européenne leur tombe dans la bouche : tous ces paysans qui vendent leurs fruits et confitures devant leurs portes, qui ramassent le foin à l’ancien, en se crevant dans les montagnes, où qui travaillent sans rechigner sur les chantiers où les champs de l’occident…on ne peut pas dire qu’ils attendent l’argent de l’Europe, quand même !

Pour ne pas parler de toutes ces usines et autres multinationales installées là-bas, à cause d’une main d’œuvre pas seulement bon marché, mais aussi très qualifiée !

 Vous pouvez me dire, mais pourquoi pas avant ? La réponse est simple: à cause du système. 

Je ne fais pas ici la théorie du communisme « qui détruit l’esprit du travail et d’initiative », et qui amène au pouvoir des gens non-qualifiés, pour des raisons autres que leurs compétences, (ah, la discrimination " positive") car, avec tout ce partage à l’outrance, les Français vont comprendre par eux-mêmes et assez vite le schmilblick. Ce qui est une évidence pour ceux qui veulent vraiment comprendre, c’est le fait que les Roumains, même dans cette « démocratie » qui n’a pas été  vraiment une, même dans ce capitalisme sauvage qui s’y est installé après la chute de Ceausescu, commencent à se réveiller et à s’en sortir de mieux en mieux.

On peut ainsi imaginer qu’est-ce qu’aurait pu être la Roumanie sans tous ces années de communisme, comme on peut aussi imaginer qu’est-ce que va devenir la France si sa politique actuelle continue.

Mais, revenons à notre voyage. Encore une fois le soleil brillait sur un ciel sans nuages et la route était bonne, sauf, si je me souviens bien, une seule partie carrément défoncée et en travaux, mais, sans croiser grand monde, nous avons pu circuler tranquillement et admirer le paysage en nous arrêtant même pour prendre des photos quelque part après Moisei. Et nous voilà enfin arrivés au col de Prislop, qui est, semble-t-il, mentionné dans le livre de Bram Stocker, Dracula, livre que je n’ai pas lu, car j’ai trop de respect pour le personnage réel, Vlad Tepes.

Et je dois dire que j’étais déçue ! Non pas par le paysage, car il est toujours merveilleux, avec tous ces massives montagneux autour, Gutai, Rodna, Maramures, Ignis, Tibles, Lapusului, couverts  de l’herbe encore plus verte qu’ailleurs ("Green, Green Grass Of Home hein!).

Mais j’ai eu un choc en voyant les horribles bâtiments au milieu. Et encore plus quand j’ai vu l’état des deux toilettes métalliques où j’avais un besoin assez urgent d'aller ! 



 Un de mes anciens collègues m’a d’ailleurs prévenue, mais quand même, j’étais tellement furieuse que j’ai abordé un jeune qui passait par là, en espérant qu’il était prêtre. Manque de pot, ou pas, il ne l’était pas et il a approuvé de tout cœur ce que je lui crachais et même plus que ça, en disant « mais madame, ces églises, sont une grosse affaire immobilière, il y a beaucoup d’argent en jeu et beaucoup de corruption aussi », ce que la propriétaire du petit restaurant du coin, où finalement je suis entrée pour mes besoins, m’a confirmé, en se plaignant du manque des moyens dont elle dispose, en étant obligée d’utiliser ses propres panneaux solaires &co pour tenir son petit commerce (qu’ainsi elle ne peut pas agrandir !), pendant qu’au monastère d’à côté, où il n’y a pratiquement personne, la nuit c’est une débauche de lumière, avec l’électricité nationale, etc…

 En espérant que des gens vont lire mon blog, j'ai mis  ici une photo de son restaurant, pour lui faire au moins un peu de publicité !  Et encore une photo du paysage, pour montrer combien la montagne est belle sans toutes ces bâtiments  horribles que je préfère vous laisser regarder avec google.map.



Enfin, une fois  le col de Prislop dépassé, nous avons continué notre route en laissant derrière nous les montagnes Rodna et en entrant de plein pied en Bucovine, où nous allons à la rencontre d’une autre rivière, tellement vertigineuse que les anciens l’ont appelé Bistrita, du mot быстрo, qui en russe signifie rapide.

 Nous avons traversé la partie la plus belle de cette région, les Obcines de Bucovine, un ensemble moutonneux  de petites et moyennes montagnes et de collines dont l’altitude moyenne se situe aux alentours de 1200 mètres.

Dès le premier village, l’architecture des maisons est bien différente de celle de Maramures, mais le paysage reste le même, c’est-à-dire magnifique.

 Nous rencontrons le premier campement sauvage de Tsiganes, au milieu des montagnes, au bord de la rivière, avec des enfants presque nues trainants dans une misère extrême. Il y aura un autre campement sur la route Transalpina, entre Transilvania et Olténie, mais c’est tout ce qu’on a vu comme campement sauvage dans notre périple à travers la Roumanie. Apparemment, les peu nombreux qui restent en Roumanie (car non partis dans l’occident) sont dans les montagnes car c’est la période des champignons. Pour preuve la gentille tsigane que nous avons vu un peu plus tard sur la route et qui vendait des cèpes (hribi), des giroles et autres amillaires et avec qui nous avons longtemps rigolé !… Je ne parle pas, of course, des tsiganes sédentarisés et… dirais-je, roumanisés, car nombreux sont docteurs, ingénieurs, professeurs, ou... informaticiens (j’avais même de très, très sympathiques collègues auparavant,  à mon Institute.).

Nous dépassons Carlibaba et, un peu plus loin, le village-musée Ciocanesti nous surprend avec ses maisons décorées de motifs géométriques que je n’aime pas tant que ça, mais quand même, vue l’heure, j’accepte de nous arrêter au premier restaurant « civilisé » au bord de la route, c’est-à-dire le restaurant de la pension GABIMAR, où, sous l’impulse de mes souvenirs, je commande « mititei » et « papanasi » à la confiture de myrtilles.





 Ben, ce n’était pas vraiment le top, je dois le dire, même si l’accueil a été à la hauteur. Tel que je n’ai plus osé commander de nouveau ces plats en Roumanie : ah, les papanasi mangés auparavant à la côte 1400 à Sinaia après une journée de ski ! Ne peut pas faire des bons papanasi qui veut, hein… (petite parenthèse: je viens de lire une information idiote, qui montre comment les leches-c..e  ont changé vite le fusil d'épaule. Les même qui chantaient des hosannas pour Ceausescu et sa femme, maintenant invente  des  choses invraisemblables pour critiquer le système. Non, ce n'est pas vrai, le restaurant et l' hôtel de la côte 1400 de Sinaia n'était pas réservé seulement aux cadres du partis et aux touristes étrangers! Le système a été assez désastreux comme ça, pas la peine d'en rajouter!)

Ventre plein nous continuons notre voyage sur DN18 pour tourner à gauche après quelques minute sur DN17 sans nous arrêter jusqu’au col de Mestecanis situé au Sud-Est-ce l’Obcine Mestecanis à une altitude de 1096 m, entre celle-ci et le Massif Giumalau, où nous nous arrêtons pour admirer les vaches en liberté qui traversent la route sans regarder les camions et sans se soucier de nombreux spectateurs, car oui, nous sommes en week-end et des gens en vadrouille commencent à apparaitre et avec eux les papiers jetés partout aussi !



On reprend de nouveau la route dans un paysage bucolique, à la fois grandiose et attachant, avec des vallées verdoyantes où se dressent des meules de foin comme dans les tableaux de Claude Monet, avec ici et là des modestes abris de bergers ou des petits villages circonscrits par des douces collines, le tout respirant un calme imperturbable et une majestueuse sérénité. Sont les plus beaux paysages de Bucovine, le doux jardin, comme la chantent les poètes! Pour moi c’est ici « l’espace mioritic », « la matrice stylistique, inaliénable, de l’esprit ethnique du peuple roumain » dont parlait Lucian Blaga (http://theses.univ-lyon2.fr/documents/getpart.php?id=lyon2.2001.beauchene_s&part=38083).


Encore une petite heure de route entre les montagnes et les forêts, accompagnés gentiment par la rivière Putna et nous arrivons à Moldovita, la première des fameuses monastères peintes que nous allons visiter. Je ne vais pas décrire l’histoire de ces monastères peints de Roumanie, monastères que j’ai vus pour la première fois il y a plus de 50 ans. J’étais alors accompagnée de mon feu cousin germain, Ilarion Hurjui, professeur émérite d’histoire au lycée de Radauti, admirateur enthousiaste et grand connaisseur des moindres détails concernant l’architecture et les peintures de tous les monastères de la région. Je me souviens, par exemple, qu’à l’époque personne ou presque n’allait voir l’église d’Arbore, dont la clé d'entrée  était gardée par le beau-père de mon cousin! Maintenant l'église est inscrite dans la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO est c'est vraiment mérité. 

 Bien sûr que j’ai adoré revoir ces monastères et mon plaisir était d’autant plus grand que mon mari, à qui j’ai voulu montrer ces trésors, les a admiré et aimé autant que moi, lui qui était déjà venu en Roumanie avant de me connaitre, sans passer par-là. En plus, comme il le dit, avec moi ce ne sont pas que les paysages et les monuments, mais aussi les rencontres, souvent, disons… « dramatiques ».

Ainsi, à Moldovita, sur une grande allée bordée d’arbres qui menait vers l’entrée, une vieille femme nous a demandé de l’argent pour la construction d'une maison de retraite. Je lui ai donné de l’argent mais je n’ai pas pu m’abstenir de lui dire que tous ces prêtres, au lieu de mettre de l’argent pour construire tant des nouvelles (et moches) églises, ils feraient mieux de donner de l’argent pour les vieux. Et alors, en réponse, après avoir  inscrit soigneusement dans un cahier mon nom et la somme que je lui ai donné, elle a commencé a chanté une chanson tellement triste (un cintec de jale) que j’ai commencé à pleurer, à la stupéfaction de mon mari qui, en me voyant pleurer et ne comprenant rien, a versé lui aussi quelques larmes…



 En quittant  Moldovita, un monastère  avec des belles fresques extérieures et intérieures, dans des  tons ocre, rouge, jaune et bleu, très bien conservées, en laissant derrière nous l’Obcine de Feredeu, nous avons continué sur une route d'une quinzaine de kilomètres qui relie  La Vallée de Moldovita au Plateau de Suceava,  traversant Obcina Mare  par  le col de Ciumârna, à 1100 m altitude, .

Là encore un monument, cette fois héritage du réalisme socialiste, défigure le paysage ! Au moins celui-ci peut être plus facilement démantelé, ce que, vu le nombre de citoyens qui se bousculent pour se photographier devant, ne va pas arriver de sitôt, malheureusement !

Je dis ça, je dis rien, car le monument en forme de main humaine (d’où l’autre nom de « Palma » sous lequel le col est connu) est un symbole de la construction de cette route lorsque les deux équipes, venant des deux directions opposées, se sont réunis ici en 1968, et se serrèrent la main.

Bon, je dois quand même reconnaitre avec honte que, avec tout mon respect pour ce travail acharné (et en conditions que je n’ose même pas imaginer) les vaches en liberté qui passent la route sans regarder les camions, m’ont impressionné beaucoup plus ! Autrement, le paysage offre peut être les plus beaux panoramas sur la Bucovine.


Apres un court arrêt nous continuons notre route vers Sucevita où la visite allait se dérouler sans aucun évènement notable, sinon le pur plaisir de visiter le monastère, une vrai forteresse médiévale dont les murs d'enceinte atteignent 6 mètres de haut, ont 3 mètres d'épaisseur et sont flanqués de quatre tours de guet.

 Au milieu de cette forteresse, la magnifique église dont les fresques extérieures et intérieures représentant des cycles historiés de la Bible et des Saintes Écritures dans des couleurs vives où le rouge et le vert prédominent  (il faut savoir que chaque monastère a ses propres couleurs dominantes). Parmi ces fresques,  l'arbre de Jessé, qui représente symboliquement la généalogie du Chris et  surtout l'échelle de la vertu, qui occupe entièrement un des murs extérieurs, suscitent l'admiration et l'incompréhension de tous les connaisseurs. Car, surtout pour les fresques extérieures,  personne n'a compris encore quel était le secret des anciens pour réaliser des peintures aussi résistantes, dans un climat particulièrement rude.



 Puis nous sommes allés vers Putna, où, par contre,  la visite a été vraiment spéciale.

 Déjà, avant le monastère, deux femmes accompagnées par une petite fille,  auxquelles nous avons demandé une information, nous ont prié de prendre la plus jeune et la petite dans la voiture pour les amenées au monastère, ce que nous avons fait en libérant un peu les sièges arrières, sans vraiment comprendre que ce n’était pas le vieux monastère Putna, celui que nous voulions voir, mais un nouvel monastère, Monastère de l'Hermitage de Putna, construit entre 1990-1996 à la place et sur les plans d'une ancienne église du même nom et où il y avait un prêtre  censé faire des miracles. Car la jeune femme de 32 ans, la pauvre, avait une forme de sclérose en plaques que les docteurs roumains qu’elle avait consultés ne pouvaient pas soigner ! Sans commentaires !

Après, par manque de temps,  je n’ai pas voulu visiter ce monastère-là, malgré le fait que la pauvre femme nous disait qu’il est beau à l’intérieur. Beau ? Surtout clinquant, je suppose !



 Maintenant, parlons Putna, le vrai ! Qui n’est pas inscrit dans la liste du Patrimoine Mondiale UNESCO, mais "seulement" dans la liste des monuments historiques d'importance nationale, ce que c'est la moindre des choses, dirais 'je.

Ce monastère, fondé en 1466 par Stefan cel Mare (Etienne le Grand), qui y est enterré, a une grande importance non seulement pour le peuple roumain en général (le grand poète national Mihai Eminescu a évoqué le monastère comme étant la "Jérusalem du peuple roumain" et le tombeau de Saint Etienne le Grand, "l'autel de la conscience nationale") mais encore plus pour moi et ma famille.

Et non seulement parce qu’il est à quelques kilomètres du village natal de ma mère, mais parce qu’il a une place très importante dans l’histoire de ma famille. Car en 1926, quand, au cours d’une grande cérémonie, le buste en bronze de Mihai Eminescu a été dévoilé dans la cour du monastère devant une foule d’étudiants de Bucovine et tout particulièrement de Cernăuți, ma maman a été invité sur scène pour réciter une poésie écrite par le poète : « De la Nistru pin’la Tisa, Tot romanul plinsu-mi-s-a, Ca nu mai poate strabate, De atita strainatate » !

 Cet évènement a eu une telle importance pour ma mère, elle nous l'a tellement souvent raconté, qu’après sa mort, une de mes nièces (merci encore une fois, Corina) a eu l’idée d’écrire ces vers sur sa tombe !


Et là, j'ai fini l’histoire de notre visite en Bucovine, ou presque.

Le lendemain nous avons parcouru La Bucovine en marchant en permanence dans les pas de mes parents.

Partout, les noms des villages réveillaient en moi des souvenirs : à Vicov de Jos, mon grand-père allait à l’école en parcourant 7 kilomètres à pieds à travers les montagnes, ma mère a eu son premier poste dans l’enseignement à Bilca, etc…

Nous avons aussi visité mes cousines, avec lesquelles nous sommes allés voir les tombes de mes grandes parents et tantes et oncles, de la part de ma mère. Pour ceux de mon père, lui aussi natif d’un village de Bucovine, nous sommes allé jusqu’à la frontière avec Ukraine où il est situait maintenant (car le Nord de Bucovine a été confisqué par Staline et il appartient à l'Ukraine) , tel que mon opérateur Bouygues, qui avait promis la gratuité pour l’Europe, m’a fait payer les recherches google, en disant que le serveur était en Ukraine. Dans le village de mon père, autre moment d'émotion : les seuls deux personnes que j’ai rencontré en parcourant toutes les rues à la recherche du cimetière, ont était, l’une, la filleule de la sœur de mon père et l’autre, le vieux père de cette femme, lequel père  a été témoin à ma naissance:  c’était même lui qui était parti en courant pour chercher la sage-femme ! (Je vais peut-être raconter la scène une autre fois, hein…)

Encore deux photos pour montrer comment sont les cimetières dans cette région. Malheureusement, des tombes, comme les maisons, comme tout, finalement, commencent à être influencés par d'autres modes, venues d'ailleurs. Mais, en voyant que le port des costumes nationaux recommence à devenir une tradition, au moins pour les messes à l'église et pour les jours de fêtes, peut-être il y a encore de l'espoir.



Deux photos pour montrer la région de mes parents, c'est à dire la portion orientale de la Bucovine, qui est une plaine agricole prospère, à peine ondulée, qui suit le cours paisible de la rivière Siret, un affluent du Danube.


 Apres cette visite, épuisés par tant d’émotion, nous avons repris notre route qui mène vers le pas Prislop, en tournant cette fois à gauche après Mestecanis, direction Vatra Dornei, où nous avions réservé une chambre à l’hôtel Belvédère.

Encore quelques photos de cette dernière route.




Maramures
Sighisoara, Transfagarasan, Curtea de Arges..à suivre